EVRARD, L’EURO-REPOUSSOIR

Comment discréditer le Frexit ? En interrogeant (par exemple) José Evrard !

Par Vincent Flament

Cette semaine, José Evrard était invité de l’émission « Lille politiques » sur BFM Grand Lille. Le quotidien « 20 Minutes », partenaire de l’événement, en a profité pour publier dans son édition du 28 mai un compte-rendu du journaliste eurolâtre (c’est malheureusement presque un pléonasme) Mikaël Libert.

Double discours

Quand j’ai adhéré au PCF à Lens, dans la cellule de Georges Gastaud, José Evrard était un « dur » de la section : dur avec les socialistes, qu’il détestait en bloc, dur avec les opposants internes à « la-ligne-du-parti », qu’ils soient « refondateurs » (c’est-à-dire mutants avant l’heure) ou léninistes comme ma cellule. Le problème, c’est qu’à cette époque, la ligne en question consistait à seconder stratégiquement le PS tout en le critiquant tactiquement – un double jeu qui a mené aux beaux résultats que l’on sait, via la « mutation » de Robert Hue.

José Evrard faisait donc partie de ceux qui expliquaient en assemblée de section que le PS était pire que la droite, mais qu’il fallait voter pour lui au second tour des élections parce que la Place Fabien l’avait dit.

Cette souplesse à faire pâlir un maître yogi, il ne l’a pas perdue, et Mikaël Libert ne se prive pas de la rappeler : « ceux qui le connaissent peuvent être déboussolés par son parcours, écrit-il : après trente-six ans au PCF, il émarge ensuite au FN, le quitte pour les Patriotes et termine à Debout la France, le parti de Nicolas Dupont-Aignan. » Remarquons au passage qu’ici, notre journaliste s’avance un peu : rien ne prouve que José Evrard ne changera pas encore de boutique dans les années à venir…

Eurocritique et flou artistique

Il importe cependant de juger sur pièces, sans procès d’intention, et sans se laisser obnubiler par le passé – même s’il n’est pas question de l’oublier, justement parce que le passé d’un candidat nous permet de savoir si on peut lui faire confiance…

A première vue, il semble possible de reconnaître à José Evrard un positionnement très critique vis-à-vis de l’Union Européenne, cette machine conçue par le grand capital pour laminer les conquêtes sociales : « Ça fait partie des objectifs de l’Union européenne de casser les services publics », insiste le candidat. »

Concernant la politique énergétique, José Evrard défend le nucléaire, qui n’est pas du ressort de la région : « La région doit faire appel à l’Etat, sauf que l’Etat n’est plus maître de sa monnaie et de ses investissements puisque c’est l’Europe qui décide et les Allemands », fulmine le candidat. »

Cependant, sa critique de l’U.E. est si imprécise que notre euro-journaliste n’a aucun mal à la discréditer : « alors même que la santé n’est pas une compétence prioritaire de la région, le candidat de Debout la France fustige encore l’Europe : « On est sous les fourches caudines de l’UE qui nous a poussés à supprimer des lits. Ce sont de gros investissements de la région, mais il y a sûrement des dépenses ailleurs que l’on peut supprimer », assure-t-il sans préciser lesquelles. »

Qui a peur du Matamore ?

Matamore (Mata Mauros : le « tueur de Maures » en espagnol) est un personnage de la commedia dell’arte : un faux héros qui passe son temps à se vanter d’exploits imaginaires – notamment pendant la Reconquista de l’Espagne par les catholiques face aux musulmans… Si, sur BFM, le fier José ne s’est pas inventé de coups d’éclat passés, il a cependant promis de fort improbables victoires à venir, que Mikaël Libert ne se prive pas de ridiculiser : « J’irai  d’abord récupérer les sous qui sont les nôtres, ceux que l’on verse en tant que contributeurs à l’Europe », clame-t-il. A noter que les « sous » dont il parle, versés par la France, ne sont en aucun cas « récupérables » par un président de région. »

Certes, Monsieur Libert ! Mais ils ne sont pas « récupérables » non plus par qui que ce soit d’autre ! A partir du moment où on fait partie de l’U.E., on contribue à son budget en fonction des règles fixées par les traités, un point, c’est tout ! Donc, raconter qu’un président de région peut « récupérer les sous », c’est faire croire qu’une autre répartition de l’argent est possible dans le cadre de l’U.E., et donc que le Frexit est inutile.

Or, M. Libert est tellement content d’avoir trouvé un aussi bon repoussoir pour l’U.E. qu’il n’hésite pas à faire de José Evrard un chantre du frexit : « Le pouvoir d’agir d’un président de région, c’est de dire à l’Etat de ne plus accepter la gouvernance de Bruxelles et de sortir de cette situation européenne », conclut-il. Un « frexit » pour dire clairement les choses. » C’est ainsi que se termine l’article.

Comme Marine Le Pen à l’époque où il était membre de son parti, José Evrard mime le Frexit en jouant sur les mots : « sortir de cette situation européenne », cela n’est nullement SORTIR DE L’U.E. ! C’est encore un de ces flous (à peine) artistiques que M. Libert a dénoncés pendant tout le reste de son article. Mais puisqu’il s’agit de faire passer les partisans du Frexit pour des irresponsables, autant coller à José Evrard l’étiquette « anti-U.E. » ! On nous a d’ailleurs fait le même coup avec Marine Le Pen pendant des années (et ce n’est pas encore vraiment fini…) : le meilleur moyen de rendre l’U.E. moins impopulaire, c’est encore de faire semblant d’avoir peur des matamores pseudo-souverainistes…