Retour sur la grève des travailleuses et travailleurs de Vertbaudet entamée le lundi 20 mars et remportée 75 jours plus tard le vendredi 2 juin. Cette lutte est un exemple de bravoure car malgré les nombreuses pressions de la direction et la répression policière qu’ont pu subir les grévistes et leurs soutiens la lutte des salariés de Vertbaudet s’est poursuivie sans relâche et avec détermination jusqu’à la victoire. Démonstration une fois de plus que la victoire de notre classe passe par la lutte !
Lundi 20 mars 2023 : il est 4 heures du matin lorsque les camarades de l’UL CGT de Tourcoing – parmi lesquels des membres du PRCF – mettent en place un blocage devant l’entrepôt de logistique de Vertbaudet à Marquette-Lez-Lille dans le cadre de la lutte face à la contre-« réforme » des retraites. A l’arrivée de l’équipe du matin, ils parviennent à convaincre l’entièreté de l’équipe (salariés et intérimaires), à l’exception de la représentante syndicale de FO, de se mettre en grève pour exiger de véritables augmentations de salaires comme l’exige la CGT Vertbaudet, et non une vulgaire prime obtenue lors des Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) par FO et la CFTC, ainsi que l’embauche d’une grande partie des intérimaires employés par l’entreprise. Ainsi commence une grève inédite de 75 jours, menée par des hommes et surtout des femmes à la détermination sans faille et au courage sans borne. En effet, chez Vertbaudet, la classe travailleuse est composée à 90% de femmes payées à peine plus que le SMIC pour certaines depuis plus de 20 ans, voire 25 ans !
A 8 heures arrive sur le site le directeur des ressources humaines, Stéphan Fertikh, accompagné de la représentante syndicale de FO : ils mettent en avant la signature par les deux syndicats majoritaires (FO et CFTC) de l’accord décidé lors des NAO. « Les NAO ont eu lieu, désormais les négociations sont terminées » argue le DRH qui tente également de prendre le nom de tous les grévistes présents sur place ainsi que ceux de leurs soutiens présents sur place. Spontanément, les deux autres équipes (de l’après-midi et de nuit) se joignent au mouvement : ainsi débute un bras de fer de longue haleine entre des salariés déterminés à obtenir des augmentations plus que nécessaires et une direction sourde et méprisante. La détermination de ces femmes résulte également des conditions de travail, de l’atmosphère déplorable et anxiogène instaurée par la direction : les travailleuses soulignent notamment les propos sexistes et hautains tenus par la direction à leur encontre.
Il ne fallut d’ailleurs pas bien longtemps avant que la direction s’agace face au piquet de grève se tenant jours et nuits devant les portes de l’entrepôt et utilise des méthodes brutales. Vendredi 24 mars, avant même que le mouvement s’installe réellement dans la durée, la direction fit appel à la police pour détruire le piquet de grève.
Malgré tout, ce dernier est rapidement remis sur pied même si désormais, la lutte se mènera sous la « supervision » intimidante quasi-quotidienne de la police du capital.
Après ce premier échec pour neutraliser le mouvement par la répression, la direction tenta de planifier des discussions privées hors de tout cadre formel, à travers des messages « discrets » et souvent déplacés à destination de la déléguée syndicale ou à d’autres grévistes. La direction tenta également de stopper le mouvement via des propositions dérisoires et insultantes comme une augmentation de quelques centaines d’euros de la prime préalablement obtenue lors des NAO. Une fois encore ces tentatives de la direction échouent. Mais cette dernière s’entête dans sa démarche de ne rien céder à ces travailleuses et travailleurs et, pour contrecarrer le mouvement de grève, fait appel illégalement (comme le met en avant l’inspection du travail) à de nombreux travailleurs intérimaires.
Face à cela, les grévistes s’organisent : une caisse de grève est rapidement instaurée, le piquet de grève est renforcé pour résister à la pluie et au vent et des relais pour tenir le piquet de grève sont planifiés. De plus, les travailleuses peuvent compter sur un important soutien de la population locale, mais aussi des organisations CGT et politiques comme le PRCF qui participent à la caisse de grève et se tiennent présentes aux côtés des salariés. En outre, comme l’annonçait le PRCF et les camarades de la CGT, le mouvement des travailleuses de Vertbaudet devient un symbole national mais aussi international, de la lutte dans une période de répression menée par les gouvernements européens, et en particulier par le gouvernement français, face au mouvement hostile à la contre-« réforme » des retraites. Des appels au boycott de Vertbaudet sont lancés et de nombreuses soirées de soutiens sont organisées.
Le 19 avril, après un mois de grève et face à la sourde oreille de la direction de Vertbaudet de Marquette-Lez-Lille, les salariés ont manifesté directement devant les locaux du gestionnaire de fond Equistone, actionnaire majoritaire de Vertbaudet. De son côté, la CGT poursuivit Vertbaudet devant le tribunal administratif pour usage illégal de travailleurs intérimaires afin de briser la grève. Le 25 avril, un rassemblement de soutien aux grévistes est organisé devant le tribunal d’instance de Lille.
Lors des manifestations du 1er mai à Lille et à Comines, les travailleuses en lutte ont été acclamées par la foule présente sur place et la caisse de grève eu un fort succès démontrant une fois de plus toute la solidarité de la population avec cette lutte exemplaire de ces salariés précaires.
Cet élan de soutien pour la lutte exemplaire menée par nos camarades excéda la direction de Vertbaudet et le gouvernement qui voulut mettre un terme au mouvement. Ainsi, après un premier déboire le 4 mai, jour où la justice bourgeoise acta que la CGT ne fournissait pas les preuves suffisantes du recours à des travailleurs intérimaires afin de briser la grève (en dépit des déclarations sans ambiguïté de l’inspection du travail).
Puis le lundi 15 mai marqua un véritable tournant dans la répression contre les travailleuses : une nouvelle intervention de la police préparée « secrètement » lors d’une réunion avec les forces du préfet la veille eut lieu afin de détruire purement et simplement le piquet de grève. Pour cela, la police délogea par la force les grévistes et leurs soutiens. Cette intervention fut extrêmement brutale : une gréviste attrapée au cou et soulevée du sol par un policier fut envoyée aux urgences ; deux camarades de la CGT furent interpellés dont un blessé grièvement (côtes fêlées, épaule luxée et visage tuméfié) ; malgré les blessures, leurs gardes à vue durèrent plus de 35h.
Le mardi 16 mai, la direction fit parvenir au moins 6 lettres d’entretien préalable à un licenciement. Le soir même, le délégué syndical fut « interpellé » par des « policiers en civil » ou des barbouzes (personne ne sait réellement pour le moment) devant son domicile. Une fausse « interpellation » au cours de laquelle ce syndicaliste fut embarqué dans une voiture, intimidé, menacé et son portefeuille dérobé par des éléments fascistes – possiblement des policiers en civil ou des soutiens de la direction de Vertbaudet.
Ces nouvelles attaques contre le mouvement social entrainèrent une forte réaction de l’opinion publique avec l’organisation d’un rassemblement de soutien où plus 300 personnes furent présentes et où des personnalités tels que Jean-Luc Mélenchon (LFI) ou Fadi Kassem (PRCF) se sont exprimées. La couverture médiatique du piquet de grève de Vertbaudet prit alors une envergure nationale, au point de provoquer la réaction d’Elisabeth Borne.
Vendredi 2 juin, après 75 jours d’une grève inédite, la CGT Vertbaudet a obtenu : une augmentation générale des salaires pour les ouvriers et ouvrières du groupe allant de 90 à 140 euros nets par mois selon l’ancienneté et une réouverture des négociations si l’inflation dépasse les 2% d’augmentation ; l’embauche de 30 travailleurs intérimaires en CDI ; aucune sanction envers les salariés grévistes de Vertbaudet de Marquette-lez-Lille.
Dans ce combat, les travailleuses et travailleurs de Vertbaudet ont pu compter sur le soutien quasi quotidien du PRCF, aussi bien sur le plan moral que logistique (barbecue, veille de nuit, participation à l’édification d’une barricade de pneus, etc.) et financier avec un apport de 1.000 euros à titre de soutien aux grévistes. Des centaines d’heures passées aux côtés des travailleuses et des travailleurs ayant contribué à l’esprit de résistance, à la camaraderie et, finalement, à la victoire des salariés.