Jeudi 16 mars 2023, le PRCF Nord étaient aux côtés des travailleurs de la centrale nucléaire de Gravelines au cœur du combat face à la contre-« réforme » des retraites ! Les camarades du PRCF 59 ont réalisé une série d’entretiens avec deux camarades de la CGT CNPE ainsi qu’un camarade de la CGT Eiffage Energie Nord quelques heures avant le passage en force du gouvernement Borne. Détermination intacte pour sauver les retraites et lutter contre la Macronie, le MEDEF, l’UE du Capital et le FMI. Plus que jamais : « L’argent pour les retraites et les salaires, pas pour les actionnaires ni pour faire la guerre ! ».
Nicolas secrétaire général du syndicat CGT du CNPE de Gravelines
« on est vraiment déterminé à aller jusqu’au bout pour le retrait de cette « réforme » »
FK : Citoyennes, citoyens, chers amis, chers camarades, bonjour à toutes et tous. Nous sommes en direct de Gravelines à l’entrée de la centrale nucléaire qui est bloquée par les travailleurs et les camarades de la CGT. Tout d’abord, je vais te laisser te présenter.
ND : Je suis Nicolas, secrétaire général du syndicat CGT du CNPE de Gravelines, du terminal méthanier et de DK6 qui est la centrale thermique de Dunkerque.
FK : J’imagine que cela fait au moins depuis le 19 janvier, jour de la première manifestation, que vous êtes mobilisés. Comment sens-tu l’évolution de cette mobilisation sur le site à Gravelines, la détermination des camarades et des travailleurs ?
ND : Aujourd’hui, il est clair que l’échéance approche pour le résultat final de cette « réforme » des retraites et on sent vraiment une envie de montrer notre mécontentement. Les salariés sont mobilisés aujourd’hui. Ce matin, à 5h, c’étaient environ plus de 150 salariés, et pas seulement d’EDF : on avait aussi des prestataires, des entreprises locales de Dunkerque avec l’Union locale CGT de Dunkerque qui était présente pour préparer ce nouveau filtrage parce que ça fait maintenant plus de 15 jours que l’on est quasiment en filtrage permanent ; donc oui, ça commence à peser aussi physiquement et sur le porte-monnaie. Mais comme vous pouvez le constater, aujourd’hui, on ne lâche pas, on continue et on est vraiment déterminé à aller jusqu’au bout pour le retrait de cette « réforme ».
FK : Tu viens d’utiliser le mot de « filtrage ». Comment décrirais-tu l’action que vous menez ici sur le site pour pouvoir bloquer les profits – car c’est aussi ça l’enjeu – du grand patronat rapace ? Comment vous organisez-vous chaque jour ?
ND : Chaque jour, on organise une assemblée et ce ne sont pas les syndicats qui décident : on est en intersyndicale et ce sont les salariés qui décident de reconduire le mouvement par période de 24h. Hier midi [mercredi 15 mars 2023], on s’est retrouvé : c’était un vote à l’unanimité de reconduction de la grève pour 24h, avec bien sur des filtrages et aussi des baisses de charges, c’est-à-dire qu’on diminue la production du nucléaire. A Gravelines, on a une tranche – la tranche 5 – qui produit actuellement 200MW au lieu de 900MW ; on a aussi une tranche qui est à l’arrêt pour maintenance et qui est aux mains des grévistes c’est-à-dire qu’aucune activité ne peut se faire aujourd’hui. Donc il y a un réel impact sur le porte-monnaie d’EDF parce que si l’on prend tout confondu – l’hydraulique, le thermique à flamme et le nucléaire –, ce matin à 8h, ce sont 18.000 MW qui sont aux mains des grévistes. C’est très important parce qu’il y a longtemps qu’on n’a pas vu des baisses de charge et une reprise en mains par les grévistes des MW aussi forte et aussi longtemps qu’aujourd’hui. On l’a eu sur des actions ponctuelles mais on a eu des pics jusqu’à 20 000-21 000 MW retirés du réseau. Donc, là on tape directement au porte-monnaie d’EDF et qui dit EDF dit l’Etat.
FK : En tout cas l’Etat initialement parce que l’on sait très bien qu’à EDF, il y a tout un ensemble de contre-« réformes » qui sont proposées non seulement par le MEDEF, par Macron, mais aussi par l’Union Européenne. Quelle est la situation à ce sujet – on pense notamment au projet Hercule ?
ND : S’agissant de la motivation des agents aujourd’hui : c’est repousser la « réforme » des retraites avec l’âge de départ légal à 64 ans, travailler 2 ans de plus, pour nous, pour nos collègues prestataires – car on a des collègues prestataires et c’est aussi pour eux que l’on fait grève aujourd’hui et c’est pour ça que l’on est présent aujourd’hui. Mais c’est aussi défendre un régime spécifique que l’on a depuis des années. Aujourd’hui on parle de pénibilité, on a des gens qui font du 3*8 ; pour faire tourner une centrale, il faut des gens 24/24h et 7 jours sur 7 ; on a des gens d’astreinte qui peuvent travailler la journée et être rappelés à 1h du matin pour une activité importante. Tous ces éléments sur la santé et sur la pénibilité du travail sont aujourd’hui pris en compte dans notre statut, et ça on ne veut pas le perdre. Donc c’est aussi pour ça que l’on se bat. On a mérité notre statut et vous voyez que l’on se bat pas seulement pour nous en plus – parce que souvent, on est traité de « nantis ». On est loin d’être des « nantis » parce que si on est là aujourd’hui, c’est aussi pour nos collègues prestataires et pour défendre les statuts ; et si on peut avoir un statut des énergéticiens et gaziers qui prend aussi en compte nos travailleurs prestataires du site, cela serait une réussite royale pour la CGT.
FK : On pourrait presque dire un statut généralisé. Et aujourd’hui, jeudi 16 mars, il y a le vote à l’Assemblée nationale de cette contre-« réforme » qui risque malheureusement de passer. Mais quel que soit le résultat, comment vois-tu la suite du mouvement non seulement du point de vue de la lutte des travailleurs, mais aussi peut-être en termes de débouchés politiques ?
« Le 49.3 serait une véritable rupture sociale »
ND : En ce moment, on a énormément d’inquiétudes car on a des infos, des contre-infos, on sait plus sur quel pied danser. Le gouvernement dit « j’aurai ma majorité pour cette réforme », « on est limite », on parle de 49.3. On sait très bien aujourd’hui en tout cas, pour en avoir discuté et échangé avec les agents présents au piquet, que le 49.3 serait une véritable rupture sociale pour l’entreprise. En tout cas pour les électriciens et gaziers, si un 49.3 est utilisé, il faut s’attendre à des actions beaucoup plus dures et à un moment je pense qu’il va y avoir des coupures généralisées d’électricité pour contrer ce « dialogue social » qui est rompu. Parce que l’on sait très bien, on a encore vu Philipe Martinez qui parlait aux infos et qui disait que les syndicats n’ont jamais eu le droit de voir ce texte pour pouvoir le lire. Dans quelle logique est-on aujourd’hui ? Si on parle de « dialogue social », si on veut échanger avec les organisations syndicales, on donne les éléments avant de dire « nous, ce sera ça, point à la ligne » : en gros c’est un secret entre eux [les ministres et députés] et ça reste là. Les salariés le sentent aussi : ils posent énormément de question du type « comment ça va se passer après pour la clause du grand-père ». On l’a eu il y a encore quelques semaines où ç’a été retiré. Il y a des inquiétudes car pour nous, la clause du grand-père, c’est juste de la poudre aux yeux car aujourd’hui, on a 160 000 agents EDF et 140 000 retraités : notre régime de retraite est donc excédentaire, et même tellement excédentaire que l’on approvisionne le régime général parce que l’on vient ponctionner de l’argent sur ce que l’on a déjà cotisé. Aujourd’hui, les salariés ne le comprennent pas et demain, si l’on a plus d’agents statutaires comme nous, on sait très bien que la courbe va baisser : on aura plus de retraités que d’actifs. Et là, on voit le manège arriver en disant : « Vous devrez passer au régime général et vous n’avez pas le choix ». Et on nous l’a met à l’envers tranquillement dans quelques années ! Je pense que c’est l’une des grosses inquiétudes des salariés présents ici et qui ne veulent pas entendre parler de ça.
FK : Une toute dernière question pour finir. Tu dis qu’il y a des inquiétudes et ce qui est intéressant c’est que l’on nous explique qu’il n’y a jamais d’argent public. Or, le 20 janvier dernier Emmanuel Macron a annoncé qu’il y aurait 413 milliards d’euros sur 6 ans pour la modernisation de l’armée. Donc, est-ce que tu dirais qu’un slogan du type « l’argent pour les retraites et les salaires, pas pour les actionnaires ni pour faire la guerre » est un slogan qui pourrait prendre auprès des travailleurs et qui serait compris étant donné le contexte global dans lequel nous sommes ?
ND : Il est clair que ce slogan serait fortement repris, on est tout à fait d’accord avec ça. Mais aujourd’hui, il faut être clair : il y a un réel « dialogue social » qui est rompu, on a des difficultés aujourd’hui pour vivre, tout augmente – l’électricité, le gaz. Faire ses courses aujourd’hui, c’est un sujet quotidien : sur le piquet, je peux vous assurer que tous les jours on entend « je suis allé faire les courses hier, d’habitude j’en ai pour 100 euros et là, je me retrouve avec 130 euros. Je n’en ai pas plus et je n’ai pas fait d’excès ». Aujourd’hui, je pense que tous les salariés en général ont un ras-le-bol car on a mis tout ça sur le dos de la guerre en Ukraine. Mais on sait très bien qu’à chaque fois, c’est la même chose dès qu’il se passe de gros évènements, comme avec le Covid qui a permis à l’Etat de diminuer le droit de grève avec la mise en place du télétravail qui est utilisé sur notre site ou sur un site dès que l’on annonce un mouvement de grève – et on dit aux gens : « Revenez cet après-midi si le filtrage est levé ». Parce que c’est un moyen de contourner la grève et de diminuer notre présence sur site car on peut échanger avec les salariés dans les voitures en leur expliquant que « Demain, tu n’auras plus de statut », « demain, ce seront aussi nos prestataires qui seront dans la difficulté. Aujourd’hui, on a la possibilité d’avoir 2 EPR de nouveau à Gravelines, alors comment on va employer les agents EDF sans statut ?
Aujourd’hui, on rencontre des difficultés d’embauche alors sans statut, comment on va faire pour maintenir ces taux d’embauche à EDF ? Car aujourd’hui, à EDF, je peux vous le garantir, on a des postes qui sont à pourvoir à l’externe et personne ne postule dessus. Aujourd’hui, pour le syndicat, c’est une réelle inquiétude car on a besoin de renouveler nos compétences et d’embaucher de l’exécution, et l’on se demande comment on fait pour embaucher des agents EDF en général aujourd’hui. Moi, je suis rentré à EDF il y a 20 ans et je me suis dit alors : « J’ai de la chance, je rentre dans la grande boutique » – on l’appelait souvent comme cela, la « grande boutique EDF ». Quand je suis rentré à EDF le 2 janvier 2003, la première chose que l’on m’a donnée, c’est mon statut : un livret vert avec écrit « statut des IEG ». Aujourd’hui, on n’en parle plus parce que l’on veut que cela sorte des esprits, on veut le supprimer. Mais le statut est tout de même le socle de notre contrat de travail et on veut le pérenniser pour permettre de vraies embauches avec des compétences.
FK : Pour fournir le service public de qualité.
ND : Le service public de l’énergie, c’est l’une des revendications de la CGT depuis plusieurs années et l’on y tient. Et on continuera à se battre pour un réel service public de l’énergie car salariés et usagers, c’est le même combat pour une électricité par chère. Lorsque c’était EDF et GDF, on avait un coût de l’électricité beaucoup plus faible que lorsque les différents concurrents sont arrivés (Cdiscount, Leclerc, Total)
FK : Tout ce que le MEDEF, l’Union Européenne et le FMI ont souhaité imposer.
ND : Oui, tout à fait.
FK : Merci beaucoup camarade et évidemment tu l’as dit : usagers, travailleurs, retraités, jeunes tous dans le même combat, tous ensemble en même temps !
Didier Mercier secrétaire de la CGT Eiffage Energie Nord
FK : Citoyennes, citoyens, chers amis, chers camarades, bonjours à tous et toutes. Nous sommes avec Didier du groupe Eiffage Energie. Peux-tu te présenter ?
DM : Didier Mercier, je suis le secrétaire du syndicat CGT Eiffage Energie tertiaire Nord.
FK : Nous sommes au niveau du filtrage du côté de la centrale nucléaire de Gravelines et aux cotés des camarades d’EDF. Depuis le 19 janvier date de la première mobilisation intense dans le pays, est-ce qu’il y a de la mobilisation de la part des travailleurs du groupe Eiffage Energie contre cette contre-« réforme » des retraites ?
DM : Alors dans le groupe, il y a différentes actions dans différentes régions. De mon côté, il y a un soutien des salariés mais pas au point de faire des filtrages comme ici.
FK : Sens-tu qu’il y a tout de même une majorité de soutien chez les travailleurs dans le combat face à cette contre-« réforme » ?
DM : Bien sûr, tout le monde est contre cette « réforme ». Il n’y a pas d’effet bénéfique que ce soit pour les salariés ou les employeurs puisque cela va amener à une perte de rentabilité, des accidents du travail et des maladies professionnelles.
FK : Au-delà des retraites, quelle est la situation pour les travailleurs au sein du groupe Eiffage par rapport aux conditions de travail et aux conditions salariales – puisque l’on se doute que les retraites comptent mais sont peut-être simplement une grosse goutte d’eau par rapport à un vase déjà bien rempli ?
DM : S’agissantdes conditions de travail, le constat est que dernièrement, on a une évolution des accidents du travail depuis la suppression des CHSTC (Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Le groupe a une politique des primes pour pallier aux accidents de travail en poste aménagé.
FK : Cela fait-il longtemps que tu es dans le groupe ?
DM : Je suis dans le groupe depuis 32 ans, auparavant c’était Forclum qui a été repris au même titre que le groupe Nord-Elec par Eiffage.
FK : Aujourd’hui, jeudi 16 mars, dans quelques heures il y aura le vote à l’Assemblée nationale de ce projet de contre-« réforme ». On ne le dira jamais assez que c’est fait pour détruire et non améliorer la vie des gens. En fonction du résultat, comment vois-tu la suite du mouvement ? Qu’est-ce que tu envisages à titre personnel mais aussi au niveau de la CGT Eiffage Energie si cette réforme passe ?
DM : Personnellement, je maintiendrai ma position de durcissement du mouvement, je serai dans toutes les manifestations et éventuelles filtrations qui auront lieu au nom de la CGT. Par rapport à l’entreprise, je mettrai plus de tracts pour faire comprendre que cette « réforme » est néfaste. Les gens en ont conscience, mais il faut réussir à les mobiliser car seule la mobilisation pourra faire en sorte que nous soyons entendus.
FK : Justement, en termes de mobilisation, quand il y a mobilisation il y a des mots d’ordre et des slogans. Que penses-tu de ce slogan que le PRCF diffuse dans différents secteurs publics et privés depuis 6 mois : « L’argent pour les retraites et les salaires, pas pour les actionnaires ni pour faire la guerre » ?
DM : Je suis entièrement d’accord avec ce slogan : je l’ai d’ailleurs moi-même déjà publié sur la page Facebook de notre syndicat. On a le moyen de verser de l’argent pour faire couler le sang dans des pays au lieu de protéger nos anciens.
FK : Oui, d’ailleurs il faut rappeler que le 20 janvier dernier, au lendemain de la première manifestation, Emmanuel Macron avait annoncé un plan de 413 milliards d’euros d’argent public pour moderniser les armées – argent public dont les groupes comme Eiffage sont gavés à travers des subventions.
DM : Oui, Eiffage a toujours fait des profits malgré ces plaintes. Ils se plaignent toujours qu’il n’y a pas assez de rentabilité. Or, quand l’on regarde les chiffres du groupe que ce soit sur les autoroutes, ou sur les chantiers, il y a toujours des résultats à la fin et une redistribution des primes au prorata des salaires – chose face à laquelle nous nous opposons puisqu’un gâteau lorsqu’on le partage, on le partage à parts égales. Or aujourd’hui, leur manière de distribuer l’intéressement et la participation aux salariés est au prorata des salaires, donc c’est donner plus à ceux qui gagne déjà le plus. Donc à la CGT, on combat contre ce type de redistribution.
FK : Une fausse redistribution qui ressemble plus à du gavage.
DM : Tout à fait : fausse redistribution destinée à l’actionnariat du groupe.
FK : Merci pour ton témoignage qui montre que le privé et le public sont dans la même situation et luttent main dans la main contre cette contre-« réforme ».
DM : Je suis d’accord avec toi : ça fait des années que les médias font de la contre-information en disant que le service public a des privilèges. Moi, ça fait des années que je me bats car le service public, il faut le garder car ce ne sont pas des sociétés à profit comme les grands groupes qui nous détruisent.
Nicolas Cuvilier secrétaire adjoint de la CGT CNPE et dirigeant fédéral dans l’énergie
« il n’y a que la lutte qui paye. Donc on ne lâchera pas : ce n’est pas dans notre ADN à la CGT !«
FK : Citoyennes, citoyens, chers amis, chers camarades, bonjours à tous et toutes on continue la tournée en ce jeudi 16 mars 2023 sur le site de la centrale nucléaire de Gravelines et nous sommes avec Nicolas Cuvilier de la CGT Energie.
NC : Je suis Nicolas Cuvilier, secrétaire adjoint du syndicat CGT du CNPE de Gravelines et dirigeant fédéral dans l’énergie.
FK : Ça fait longtemps que tu travailles chez EDF ?
NC : Depuis 2011, je travaille chez EDF. Avant, j’étais chez ERDF devenu Enedis, donc j’ai toujours été dans l’énergie.
FK : On voit ce matin que le site de la centrale nucléaire de Gravelines connait deux points de blocages et plusieurs dizaines de camarades qui sont toujours mobilisés. Comment juges-tu cette détermination, cette mobilisation depuis plus de 2 mois ? Est-ce que tu sens encore cette énergie plus que jamais de se battre contre cette contre-« réforme » des retraites ?
NC : Oui, il y a une motivation forte et pour ça on ne peut que remercier notre gouvernement parce qu’il n’a pas voulu nous recevoir. A force de nous mépriser, de vouloir casser le secteur de l’énergie et qui plus est nos retraites et notre statut, les camarades du piquet sont déterminés. Ils sont déterminés car on a repris l’outil de travail, il y a des baisses de charge donc des baisses de production sur les réacteurs nucléaires. Et il y a les Robins des bois de l’énergie où l’on met en gratuité, avec les copains d’Enedis, les commerçants et les plus précaires du pays. Il y a une détermination forte qui va encore grandir chez les copains qui sont dans le mouvement.
FK : Tu as utilisé l’expression « les Robins des bois de l’énergie ». Aider les travailleurs du privé et du public quels qu’ils soient et en même temps prendre aux plus riches, cette bourgeoisie qui casse tout. Est-ce que vous avez déjà ciblé via des opérations spécifiques ? Et le ferez-vous en fonction du vote qui a lieu en ce moment au Sénat ?
NC : Oui, ça vient d’avoir lieu au Sénat où la « réforme » est passée : donc ce matin, on a réalisé une action forte chez un sénateur où l’on a, avec les copains d’Enedis, coupé le jus avec les Robins des bois de l’énergie, et l’on cible tous les parlementaires parce que l’on a la liste de ceux qui sont pour cette « réforme », qui sont à la main du patronat. Ils ne font que dégrader notre outil de travail, car ce sont eux qui le dégradent en ne mettant plus de pognon dedans. On produit, on enrichit les mêmes, on privatise à mort et on vend notre courant à 100 euros du MW pour le privé qui le revend à 400 euros qui va vous le revendre à 600 euros ! (ce sont des chiffres approximatifs). Actuellement, on parle de l’énergie puisque ça fait débat tous les jours dans les journaux et les plateaux TV. Il y a une inflation générale et les gens n’en peuvent plus alors que les salaires n’augmentent pas. Donc, c’est une crise qui est totale dans l’énergie mais aussi dans le privé.
FK : Justement, tu as parlé du vote des sénateurs. Dans quelques heures, vers 15h, le texte sera à l’Assemblée nationale. Les sénateurs viennent de l’adopter et il est probable qu’une majorité de députés l’adoptent aussi. En fonction, du résultat et du risque du passage en force de cette contre-« réforme », qu’envisagez-vous pour la suite puisque l’on voit qu’il y a de la détermination et on imagine mal que cela retombe comme un soufflet ? Une AG est-elle déjà prévue et surtout, comptez-vous durcir le mouvement face à des gens qui ont décidé dès le départ de nous matraquer avec leur contre-« réforme » ?
NC : J’ai envie de vous dire qu’il faut une grève générale tout simplement ! Il y a un moment, même si on reprend nos outils de travail, ils ne nous écoutent pas. Les éboueurs sont en grève, l’énergie est en grève, les transports sont en grève et dans le privé, il y a de nombreuses grèves. Il faut continuer la lutte parce que c’est dans la lutte que l’on va obtenir des choses et historiquement, c’est comme ça : si on reprend l’histoire de l’humanité, il n’y a que la lutte qui paye. Donc on ne lâchera pas : ce n’est pas dans notre ADN à la CGT ! On en a marre de se battre pour ne pas perdre les choses. Nous, on a un statut fort, un statut pionnier pour les retraites et pleins d’autres choses donc on va continuer la lutte. Et même si des camarades se sentent fatigués et sont touchés au porte-monnaie, on s’organisera comme on a toujours su le faire à la CGT et on continuera la lutte.
FK : Tu viens de dire quelque chose de très important : « reprendre l’outil de travail », un outil de travail confisqué bien sûr par l’Etat bourgeois, bien sûr par le MEDEF, mais aussi par l’Union européenne du Capital et le FMI. En fait, tous détruisent l’ensemble du secteur public. Comment envisages-tu, au-delà des retraites, la lutte plus généralement contre toutes ces instances capitalistes qui sont là comme tu l’as démontré à travers les prix pour démanteler le service public, le mettre sous coupe à travers la concurrence dite « libre et non faussée » au sein de l’Union européenne ? Comment envisagez-vous la suite face à tout cela ?
« L’Europe, c’est la pire chose qui ait pu nous arriver, notamment pour le service public »
NC : Comment on envisage la suite ? C’est nous qui avons l’outil de travail dans les mains, ce ne sont pas les patrons qui savent faire fonctionner les usines. Donc on continuera à garder la main dessus et on pèsera sur l’économie car il y a un moment quand on arrête de les gaver, ils ne sont pas contents et il n’y a plus d’argent qui rentre. Il n’y a qu’un mot d’ordre : c’est par la lutte qu’on gagnera et qu’on les repoussera. Et tu parlais de l’Europe : l’Europe, c’est la pire chose qui ait pu nous arriver notamment pour le service public. On nous demande d’être mis en concurrence, on nous demande de travailler avec des moyens humains et matériels moindres. Or, ce n’est plus possible et je pense que les salariés et les camarades savent qu’il n’y a que nous qui savons faire fonctionner l’outil de travail : il faut donc en garder la maitrise. Même s’il y a des messages qui peuvent paraitre virulents pour certaines personnes, je ne trouve pas que ce soient des messages virulents parce que l’on est des gens responsables qui veulent un service public pour tout le monde. L’énergie est un bien commun et il devrait y avoir une gratuité pour les gens les plus précaires : ça, on le revendique, c’est dans notre ADN de revendiquer ces choses.
FK : Tu viens de dire qu’il faut continuer à se battre quoi qu’il arrive car l’argent existe, on le sait. Que penses-tu de ce slogan que depuis des mois portent les travailleurs militants du PRCF – cheminots, électriciens, métallurgistes, profs, etc. du public ou du privé : « L’argent pour les retraites et les salaires, pas pour les actionnaires ni pour faire la guerre » ?
NC : Je suis entièrement d’accord avec ce slogan. Tu as parlé de la guerre : ils ont très politisé la chose – c’est comme en religion : derrière tout, il y a la politique. On cotise à un taux très important depuis qu’on est rentré car on est statutaire dans nos entreprises, on a un régime de retraite qui est excédentaire, donc c’est injuste que l’on vienne nous toucher. On est des pionniers, on devrait être l’exemple, tous les travailleurs et travailleuses de France devraient être mis au même régime que nous. On assume cotiser plus pour une retraite décente. Ce que nous disent les retraités à l’heure actuelle, c’est qu’ils ne savent même pas faire 2 pleins de courses par mois parce qu’à la fin du mois, ils n’ont plus un rond alors qu’ils ont travaillé toute leur vie, ils se sont sacrifiés et y ont même laissé leur santé. Donc, oui je suis tout à fait d’accord avec ce slogan et je n’aurais pas dit mieux.
FK : Ce qui est sûr, c’est que la Fédération nationale des Mines et Energies, en plus de celles des Docks et des Ports et d’autres, vous êtes à l’avant-garde de ce combat de classes. Car c’est un combat de classes ! Et les travailleurs, les retraités, les lycéens, les étudiants vous doivent une grande contribution et donc plus que jamais, nous sommes là pour appeler au combat tous ensemble et en même temps. Merci beaucoup Nico.
NC : Je te remercie et une dernière chose : tu as parlé des étudiants. Je tiens à faire passer le message qu’il y a beaucoup de syndicats étudiants qui sont en train de se créer au sein de la CGT avec les SELA. Etant animateur à la CFJ – les jeunes à la CGT de la FNME –, je tenais à passer mon soutien à tous ces jeunes qui se mobilisent, qui sont dans la rue avec les travailleurs et travailleuses et qui sont aussi des étudiants dans le monde de l’emploi. Car aujourd’hui en France, quand on veut faire des études, on est obligé d’avoir un emploi à côté car sinon, on n’arrive pas à s’en sortir. Donc, je tenais à leur apporter mon soutien et la FNME aura les mêmes mots pour les soutenir !